Je ne me suis jamais inquiétée lors de prendre l'avion, il s'agit
toujours plutôt d'une aventure. Il ne sert à rien d'avoir peur d'un engin aussi
grand et aussi puissant lorsqu'on est à l'intérieur.
Je me disais chaque fois qu'il n'y avait
que deux options: j'arriverais chez moi ou pas du tout. Les deux cas étaient
bons, car si je ne rentrais plus chez moi je me disais que je serais morte. Et
une fois morte il n'y avait rien à craindre. Le problème serait pour les
autres, mais je ne serais même pas là pour voir leur douleur. C'est égoïste, je
le reconnais, mais lorsqu'il s'agit d'éviter d'avoir peur presque tout exercice
mental est bon.
Mais j'étais naïve, je n'ai jamais pensé
que cela pouvait arriver aux autres, aux personnes que j'aimais. C'était bien
plus facile penser que ça pouvait m'arriver qu'à moi, comme ça je n'avais pas à
craindre. J'aurais donné ma vie sept fois avant de voir quelqu'un disparaitre
et de souffrir sa perte. J'ai vu, sans tout à fait comprendre, que certaines
peurs surgissent plutôt du fait que l'on ne peut tolérer voir qui on aime se
faire mal. Et que même lorsqu’on n’avait pas peur de nous faire mal, la
souffrance chez l'autre nous blessait.
Toute légèreté est impossible maintenant,
le temps passe et ma conscience grandit. La peur de tout perdre est parfois
insurmontable, elle saisit tout mon corps et me laisse voir à quel point je
suis petite. Ce sont les autres qui sont énormes, ils ocupent toute la place de
cet univers et de tout autre univers.
Mais tout va bien, puisque j'ai tout
imaginé, puisque je fais des cauchemars les yeux ouverts. J'ai tout absolument
tout imaginé et pourtant je l'ai senti.
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