Comme chaque week-end je partais avec Laurent à la campagne.
Notre activité préférée avait toujours été celle de cueillir des fleurs ou des
fruits rares puis de les ramener à nos maisons pour voir ce que l’on pouvait
faire avec. On faisait beaucoup rire nos parents avec nos trouvailles due
l’utilisation que leur donnait.
Le père de Laurent nos attendait toujours à la porte de la
cabane, le plus souvent il tissait un de ses jolis paniers. On lui racontait
notre balade et il semblait ravi de nous voir sauter d’émotion et rougir
lorsqu’on décrivait les lieux parcourus. On faisait bouillir les fleurs, on
écrasait et chauffait la chair des fruits, des odeurs bonnes et mauvaises
sortaient de la cuisine et on nous arrêtait que lorsque on empestait la cabane
ou que nos expériences devenaient trop risquées. Mais ce n’est que lorsque la
maman de Laurent nous expliquait à quoi servait ce que l’on avait trouvé et qu’elle
nous montrait comment l’employer que l’on s’amusait vraiment. Il lui arrivait de ne
pas reconnaitre certaines plantes ou baies et dans ce cas on devait attendre de
revenir au village pour demander à ma mère.
Nos mamans savaient toujours un tas de choses mystérieuses, leur
sagesse nous semblait infinie car elles avaient toujours une réponse à toutes
nos inquiétudes. Nos pères savaient aussi beaucoup de choses mais ils avaient
souvent recours à nos mamans avant de nous aider à résoudre un problème. Par
exemple, si c’était à eux de faire le petit déjeuner et qu’il n’y avait pas d’œufs
ils avaient recours à nos mères, on devait attendre longtemps avant d’être
servis et souvent on ne pouvait pas finir de manger car on était obligés de rattraper
le bus. Ou quand quelqu’un tombait malade à la maison c’était maman qui le
soignait, et si c’était elle qui tombait malade on devait suivre au pied de la
lettre ses consignes pour la guérir.
Mais les baies que je ramassais avec Laurent ce week-end ont
changé ma compréhension du monde. Sa maman les avait confondues avec des baies
plus grosses qu’une fois moulues lâchent une huile odorante utile pour combattre
les maux de tête. Par contre l’huile de nos baies n’avait pas d’odeur et irritait la
peau rapidement, ce n’était pas un ingrédient pour jouer ou faire des
expériences sur soi. On préféra donc de les mettre de côté pour pouvoir demander
à ma maman ce qu’elle en pensait, elle saurait bien nous dire. Ce qui me fascine chez maman c'est qu'elle dit ne
rien savoir d’extraordinaire, que la vraie savante était sa mère. Je n’ai jamais connu ma grand-mère, mais j’ai du mal
à imaginer quelqu’un avec plus de savoir que ma maman, ma grand-mère devait
être une étoile.
C’était donc le dimanche soir qu’on arriva chez moi, maman
nous attendait dans la cuisine avec une boite de gâteaux pour les parents de
Laurent, mais on oublia même de lui dire bonjour. On mit sur la table les baies
vertes qu’on avait trouvées et on lui implora de nous dire ce que c’était, et là,
elle lança la phrase la plus terrifiante que j’eusse encore entendue « hé bah
là, les garçons, je ne sais pas ». Je l’observais attentivement, j’attendais
qu’elle continue sa phrase, qu’elle achève une pensée, je ne pouvais pas
accepter qu’elle eut pu dire ça. Mes cheveux s’hérissèrent et je pouvais
entendre mon cœur battre au ralenti, j'étais debout dans la cuisine à la
voir, ne pouvant rien faire d’autre.
Ma mère me souriait et Laurent essayait de me dire quelque
chose que je n’entendais pas, à la fin je l’ai vu partir en me faisant un signe
de la main avant de fermer la porte. Maman était toujours dans la cuisine et s'occupait du diner et les
baies sur la table à côté du pichet d’eau. Je ne comprenais pas encore comment
maman ne pouvait pas savoir ça, comment elle ne pouvait pas savoir quelque
chose, et s’il y avait d’autres choses qu’elle ne savait pas ? Moi je sais
très peu de choses et penser que la seule personne qui pouvait tout m’apprendre
ne savait pas tout me déconcerta, je me sentis seul et perdu. Je voulais savoir
au moins pourquoi elle ne savait pas, essayer de comprendre comment une
personne comme elle pouvait ignorer un détail si petit sur le monde. « Mais
pourquoi tu ne sais pas ? ». Elle se retourna lentement et m’observa
avec tendresse et attention, je devais avoir l’air absolument déconcerté car
elle avait eu l’intention de rire et se réprima aussitôt. « Personne m’avait
montré des baies pareilles avant, tes grands-parents auraient pu savoir le nom
de ce que tu as apporté mais pas moi, je les découvre comme toi. » Sa voix
était douce, ma maman toute savante reconnaissait découvrir encore
des choses. J’étais effrayé, je ne voyais pas une autre personne prendre sa
place, si ma maman, la plus sage de toutes les personnes admettait ne pas avoir
réponse à tout, je ne pouvais pas faire confiance aux autres, ça serait bien
pire !
Comme je n’avais rien à dire j’ai lâché un bisou sur son
front et parti dans ma chambre enfiler mon pyjama. Au long du diner je n'arraitais pas de poser des questions à mes parents sur tout ce qui me venait à l'esprit et tout au long de la soirée jusqu'a ce que je suis parti au lit ils m'ont répondu. Maman n'a pas douté une seule fois ses réponses, parfois même elle m'expliquait avec plus de détails ce qu'elle voulait dire et papa l'aidait avec les détails. Je pus dormir tranquilement, mais un léger sens de solitude me tomba dessus sans qu'il me fisse mal.
Comentarios
Publicar un comentario